La fête de Tabaski de cette année a mis en relief un problème endémique au Sénégal. En effet de nombreux concitoyens voulant rallier l’intérieur du pays afin de communier avec leurs familles se sont heurtés à la tyrannie des chauffeurs qui ont voulu abuser de l’avantage que leur confère la loi de l’offre et de la demande en ces instants. Face à cette situation, force est de saluer l’attitude pragmatique du ministre de tutelle qui a privilégié l’appel à la raison avant d’opter pour une méthode radicale. Elle a consisté à recourir aux bus de la société Dakar Dem Dikk avec des chauffeurs de l’armée et de la gendarmerie pour convoyer les passagers désireux de passer cette fête en famille.Cet épisode repose sur la table la nécessité de repenser le transport de personnes au Sénégal. Cette solution apportée par la ministre du Transport est certes bonne mais elle reste conjoncturelle. Il faut, dès à présent, se projeter sur l’après-tabaski afin de jeter les bases d’une résolution complète et définitive de la question du transport de personnes au Sénégal. Il est à préciser que la circulation des personnes a un impact sûr dans l’économie.De quoi s’agit-il vraiment ?Le transport de personne est un véritable casse-tête pour les sénégalais même pendant les jours ordinaires. Dans nos gares routières, le spectacle n’est pas reluisant. L’état des véhicules est vraiment déplorable. La vétusté et le manque d’entretien des voitures est la première chose qui attire l’attention. Cela est tellement flagrant qu’il est légitime de se demander comment de tels véhicules parviennent à obtenir la visite technique et l’habilitation à faire le transport de personnes.Les passagers sont livrés à la discourtoisie et l’arrogance des rabatteurs (coxeurs). Ces derniers entretiennent un système bien huilé pour soutirer des sous aux clients pour trouver une place à bord des voitures qui se présentent de façon très aléatoire. Un autre problème réside dans la facturation des bagages. Cette pratique qui ne repose sur aucun barème constitue un autre moyen d’escroquer les passagers. Gare au client qui aura le malheur de refuser de se plier à ce diktat, comme pour le narguer le même rabatteur charger de collecter les billets va lui imposer le même traitement jusqu’à ce que le malheureux abdique. Ces problèmes auxquels des solutions idoines n’ont pas été apportées ont favorisé l’émergence d’un système de transport informel. En effet, face à l’inefficience du système de transport, des gares routières spontanées ont vu le jour à la sortie de nos villes. Ce système parallèle communément appelé « war gaïndé » présente de sérieux dangers. Au titre de ces dangers, il y a le manque de formation des chauffeurs qui sont généralement relativement jeunes. Ces voitures non dédiées au transport ne sont pas en règle du point de vue administratif d’où la problématique de la corruption sur les routes avec son lot d’inconvénients. En outre, la quête de la recette journalière amène ces chauffeurs à abuser de la vitesse posant ainsi un sérieux problème de sécurité routière. Face à ce désordre qui menace la sécurité et l’intégrité physique des citoyens, il convient d’apporter des solutions pertinentes et durables.Que faudrait-il faire alors ?Il faut d’emblée noter que le transport de personnes est une question hautement stratégique notamment sur le plan économique et sur le plan de la sécurité. Au regard de l’état du problème, il convient d’opter pour des mesures fortes pour dépasser ce genre de difficultés. A ce niveau, il est à préciser que l’option du renouvellement du parc automobile telle que préconisée jusqu’à présent reste hypothétique. Ce point de vue s’appuie sur un exemple comme l’introduction des taxis iraniens. Cette initiative s’est heurtée à un problème de remboursement de la part des bénéficiaires qui mérite des investigations pour déterminer les goulots d’étranglement qui ont conduit à ces résultats mitigés.Ainsi donc, la solution pourrait consister à :
– favoriser l’émergence de sociétés privées de transport pour susciter la concurrence et apporter une réponse adaptée aux limites apparentes de notre système de transport. Cela est d’autant plus compréhensible que le déplacement des personnes et de leurs biens est une prérogative de service public. Fort de cela il convient d’envisager l’arrivée de nouveaux acteurs capables de s’acquitter convenablement de cette mission car le modèle actuel a largement montré ses limites.
– relever l’âge des véhicules de différents gabarits destinés au transport des personnes pouvant être importés tout en redéfinissant des conditions strictes de délivrance de licences pour le transport des personnes. Cette mesure va de paire avec le retrait systématique de l’habilitation des véhicules dont l’obsolescence ne permet plus d’évoluer dans le segment transport ;
– élaborer un cahier de charges à respecter et exiger une formation plus rigoureuse en direction du personnel d’exploitation des véhicules (chauffeurs, billetteurs…). Cette option permettra de revaloriser le métier des ingénieurs au niveau des services régionaux en charge du transport qui auront ainsi plus de matière ;
– permettre l’usage du gaz à la place du carburant pour les voitures de transport. Cela permettra d’amoindrir sensiblement le coût du transport et de relever la qualité des prestations dans les gares routières. En effet, le gaz étant plus économique que le carburant, la contrepartie de cette dérogation sera d’exiger un départ avec des horaires fixes déterminés de commun accord entre les parties prenantes du transport. Ainsi, le client ne sera plus amené à connaître un retard du fait du manque de clients ;
– promouvoir la vigie citoyenne à la veille des grands événements. L’objectif est de veiller à ce que toutes les velléités de spéculation sur les prix soient enrayées. En cela il convient de s’inspirer du dispositif en vigueur à la gare routière de Ziguinchor dont nous avons pu constater l’efficacité sur le terrain. Ces propositions permettront d’imprimer un bon qualitatif à notre système de transport pour résoudre durablement les problèmes devenus endémiques. Elles devront naturellement être éprouvées et enrichies par les spécialistes du ministère en charge de la question.
Adrien Théodore DIENE
Conseiller d’orientation psychologue
Diplômé en sociologie et en Développement international
Ministère de la Famille et des solidarités
Courriel : adrien.diene@yahoo.fr