Le réseau Théophraste a ouvert son colloque international hier à Saly Portudal. L’occasion a été saisie par les experts de ce réseau de 25 écoles de formation en journalisme installées sur 13 pays à travers monde pour réfléchir sur le thème de « le nécessaire journalisme scientifique ». Une question qui suscite la réflexion des experts dans le contexte de la pandémie de Covid 19, des changements climatiques et d’autres problématiques scientifiques qui méritent d’être connues du grand public.
Selon le président du réseau Théophraste, le monde d’aujourd’hui a un besoin pressant. C’est celui d’avoir des hommes et femmes de médias qui traitent d’informations scientifiques au même titre qu’il y en a dans les autres secteurs. Jean-François Raskin s’exprimait ainsi lors de la cérémonie d’ouverture du colloque international organisé par le réseau Théophraste en collaboration avec le CESTI (Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information) de Dakar. Dans ce cadre, M. Raskin a indiqué, « il y a aujourd’hui une urgence à avoir des médiateurs entre le monde scientifique et le grand public. C’est aussi une exigence démocratique. Il y a une difficulté aujourd’hui qui est dans la formation même, dans la compétence des journalistes qui sont des débats essentiels et fondamentaux qui font appel à des sujets, des savoirs qui sont complexes. Il y a donc une nécessité d’avoir des médiateurs qui sont formés à cela ». Cependant, devant cette urgence notée par le Président du réseau, se pose la lancinante question de la formation. De ce fait, indique-t-il, « alors, est-ce que les formations offertes actuellement sont suffisantes pour répondre à ces nouvelles exigences, à ces nouvelles contraintes du métier parce que notre avenir et celui de l’humanité, c’est aussi une question scientifique. Les grands défis d’aujourd’hui (changement climatique, pandémie, problèmes de transformation des ressources naturelles, problèmes de l’énergie) demandent aux médiateurs d’avoir des connaissances suffisantes pour pouvoir faire l’interface entre les experts qui, on l’a vu pendant la pandémie, n’étaient pas toujours d’accord et il y avait des débats d’experts. Il s’agit de voir comment faire le tri, comment séparer ce qui est scientifique et ce qui l’est moins. Or, on a en face de nous des experts qui sont diplômés, qui font de la recherche, qui font de la science tous les jours mais qui ne sont pas d’accord. Alors, comment être le bon intermédiaire, le bon médiateur entre ces experts et le grand public ? », s’interroge-t-il. Dans cette lancée, poursuit-il, « soit on forme des journalistes qui sont des journalistes scientifiques, et on peut très bien le faire parce qu’il y a des pistes qui existent. Soit on prend des scientifiques qui ont envie de faire du journalisme et de les former à ce métier. Ils seraient donc spécialisés dans des domaines bien spécifiques. Il y a donc des pistes qui existent et j’ai du mal à penser qu’on peut former des journalistes scientifiques parce que les journalistes viennent en général du monde des sciences humaines, de la littérature, de la sociologie, des sciences politiques ». Mais, estime Jean-François Raskin, il y a peu de candidats qui viennent du monde des sciences pures comme les mathématiciens, les physiciens, les biologistes, les médecins. « Peut-être qu’il y en a qui ont envie d’apprendre à être journalistes. Donc, créer de nouvelles formations pour ces personnes qui deviendraient une sorte de spécialistes des questions scientifiques à côté de ce qu’on connait tous dans nos rédactions, des spécialistes des questions de politique, de politique internationale, etc. Et on pourrait effectivement former des scientifiques au métier de journaliste ».
En tout cas, Gervais Mbarga lui, considère que la pandémie qui vient de se dérouler nous a montré l'urgence d'avoir des journalistes scientifiques. « Avant la pandémie on en parlait et beaucoup de choses ont été faites avant cette pandémie et nous avons la preuve. Avant la pandémie, on a parlé des changements climatiques, de la question de l'environnement et d'autres types de questions mais la pandémie a montré qu'il des journalistes capables de trouver rapidement l'information parce qu'ils ont la capacité, le réseau, l'attitude pour le faire et la possibilité de garder une certaine distance vis-à-vis de l'information qu'ils vont diffuser », démontre le chercheur en matière Journalisme scientifique. Avant de continuer : « Et donc, l'information scientifique n'est pas une information réservée à caste, à une classe de population mais, l'information scientifique que je prôner consiste à donner à tout le monde la capacité de comprendre ce qui se passe. C'est cela le but de l'information. Qu'est-ce qui se passe autour de nous ? Et comment pouvons-nous réagir à cela. Que ce soit dans le cadre de la pandémie, ou dans d'autres cas tout simple où il y a une découverte qui a été faite ».
Les écoles de formation invitées à s’adapter.
Pour arriver à ce niveau, estime le Professeur Mbarga, les écoles de journalisme devraient être un peu plus audacieuses. « On a toujours pensé que la science était quelque chose d'hermétique, de difficile, faire une formation de journalisme scientifique peut-être qu'il n'y a pas de clientèle, pas de candidat. Je pense que maintenant les écoles de journalisme ont dû voir qu'on a besoin de gens-là, surtout ces dernières années. Donc, il faut être audacieux, inventif, parce que des fois ont reste très bloqué sur le fait de ne savoir qu'est-ce qu'il faut former ? Faut-il former des littéraires à la science ou plutôt faut-il former des scientifiques au journalisme ? Je pense qu'il faut trouver des solutions adaptées aux circonstances. Il n'y a pas de solution qui vienne d'en haut. Les gens qui ont peut-être un bac de littéraire capable de faire le journalisme, c'est une bonne chose. Et l'inverse aussi est une bonne chose. Donc, il n'y a pas une solution ex cathedra », a-t-il assuré.